Si vous avez regardé l’offensive des Vikings cette saison, la première saison complète de Stefanski comme coordonnateur offensif, vous vous demandez certainement, avec raison, qu’est-ce qu’il a fait d’aussi extraordinaire pour mériter cette promotion comme entraîneur chef. Mais il y a beaucoup plus de contexte dans cette embauche.
Non, ils n’ont pas mis la ligue en feu avec lui comme maître des Xs et Os. C’est ailleurs qu’on lui voit des qualités pour être HC. Stefanski est avec les Vikings depuis 2006, sous l’illustre (!) Brad Childress. Il a occupé toutes sortes de postes comme assistant offensif, avant d’être nommé OC après le congédiement de John DeFilippo en 2018 en cours de saison. On est loin des succès de coordonnateurs-prodiges comme Bill Belichick, Mike Holmgren, Brian Billick ou Kyle Shanahan.
Il faut comprendre le personnage de Paul DePodesta (« chief strategy officer » des Browns). Champion de « sabermetrics » qui a fait sa marque au baseball (avec les A’s dans le livre et le film Moneyball, mais aussi comme DG des Dodgers entres autres), gradué de Harvard, il s’est joint aux Browns à l’époque de Sashi Brown où on voulait implanter à plein l’approche analytique. Il a survécu au congédiement de ce dernier, et l’an dernier il avait recommandé d’interviewer Stefanski et après l’entrevue, l’avait confirmé comme étant son choix aux proprios des Browns. Mais le DG de l’époque, John Dorsey (un bon vieux dépisteur avec la chique) avait plutôt préféré Freddie Kitchens (un bon vieux coach de football avec la casquette croche) et gagné son point. Ça illustre bien la dysfonction (habituelle) des Browns. Et quand Kitchens s’est planté, j’imagine la conversation où Haslam ou DePodesta dit à Dorsey « je te l’avais dit, ça prends un gars qui accepte de travailler avec les analyses ». D’où le départ de Dorsey et les relations étranges des Browns avec Josh McDaniels, Mike McCarthy et les autres candidats ces dernières semaines.
On commence à voir sortir des informations selon lesquelles le plan de match devrait être approuvé par le département d’analyses avancées et par le proprio avant le match. Et que les décisions de gestion de match (quand botter, y aller pour deux points, etc…) seraient suggérées par un gars, Dave Giuliani, dont le patron n’est pas le coach, mais DePodesta. Quand on sait que la structure de pouvoir et qui serait sous sa gestion est une des principales raisons qui auraient poussé McDaniels à se retirer de l’opportunité de coacher les Colts, on peut comprendre qu’il ait froncé les sourcils lorsqu’on lui a parlé de cette structure inhabituelle. On peut donc se demander si les Browns ont choisi la vision de DePodesta devant celle de McDaniels.
Mais Stefanski est aussi un gars du Ivy League, ancien QB vedette à l’université Penn, aussi un gars très intelligent. Un gars de chiffres, un intellectuel. C’est probablement plus sa tasse de thé. Je donne une chose aux Browns: ils ont au moins le mérite d’avoir, cette fois-ci, de la suite dans les idées. Au lieu de forcer un mariage entre deux approches diamétralement opposées et espérer que le compromis fonctionne, ils auront, pour la première fois, un alignement complet entre le 2e étage et le personnel d’entraîneurs. Stefanski sera certainement plus réceptif à cette approche que des vieux routiers comme Hue Jackson, Gregg Williams et Freddie Kitchens.
C’est évidemment difficile de commenter sur un coach qu’on a pas entendu en entrevue, qui n’a qu’une seule saison comme OC et qui ne s’est pas démarqué par un système ou une identité offensive particulière. Surtout que les Vikings ont senti le besoin d’embaucher Gary Kubiak comme coordonateur offensif conseiller pour l’accompagner, on s’est demandé toute la saison qui était vraiment aux commandes de cette attaque. Comme je l’ai mentionné dans mes billets sur les autres coaches, particulièrement Matt Rhule et Joe Judge, être un head coach est tellement différent que d’être un coordonnateur, les succès (ou insuccès, pensons à Mike Vrabel qui était mauvais comme DC) dans un rôle ne sont pas garants de succès dans l’autre rôle. C’est un rôle de leadership et de gestionnaire plus que de stratégie de Xs et Os. On a aucune idée de Stefanski là-dessus. Son père est un DG de longue date dans la NBA, ça lui donne un peu de contexte sur comment ça fonctionne et qu’est-ce qui fait un leader performant dans le monde du sport professionnel.
Je suis encore abasourdi de voir les Browns, qui viennent de se brûler en embauchant un assistant de carrière qui n’avait aucune expérience comme leader, faire encore ce genre d’embauche 12 mois plus tard. Ce groupe de joueur a besoin d’être guidé et d’adhérer à une vision crédible et claire. Je crois sincèrement que les Browns devaient embaucher un adulte, un coach établi comme McCarthy ou Ron Rivera. Briser le cycle et amener de la stabilité.
Peut-être qu’aucun adulte convoité ne voulait du poste aussi, c’est fort possible. Je n’ai rien contre Stefanski mais j’ai bien peur que le panier de crabes dans lequel il vient de s’embarquer ne le dévore comme il a dévoré Mangini, Shurmur, Chudzinski, Pettine, Jackson et Kitchens, qui ne totalisent que 10.5 saisons en poste à eux 6, incluant de nombreuses défaites et toutes des saisons perdues. Peut-être que cette fois, c’est la bonne.
Bonne chance…
