Ça semble être le sujet de l’heure dans la NFL. Les succès de RGIII et de Russell Wilson, et surtout la performance de Colin Kaepernick en séries contre les Packers, ont vraiment mis l’emphase sur le « read-option». Enfin, l’arrivée de Chip Kelly s’ajoute à cette tendance lourde. Je veux donc parler de ce système, et de Chip Kelly, dans ce billet, même si vous verrez que je crois que ce sont deux sujets indépendants l’un de l’autre.
Commençons par le « Read option ». Trois questions : 1) qu’est-ce que c’est 2) pourquoi ça marche alors que toutes les autres tentatives d’implanter le jeu d’option de la NCAA (qui se souvient de Lou Holtz avec les Jets?) ou encore le « wildcat » ont été ridiculisées par les défensives de la NFL et 3) comment l’arrêter.
Il y a plein de nuances qui peuvent rendre ça plus compliqué, mais si on ramène ça à la base, c’est assez simple. C’est une question de mathématiques de 1ere année : face à une offensive avec son personnel de base (2 WR, 2TE/FB, un RB et un QB), on utilise normalement un front défensif a 7 joueurs, alors que l’attaque en a 9 (incluant le QB) dans la « boîte ». Le quart fait la remise au RB, il reste donc 7 bloqueurs pour 7 joueurs défensifs. C’est pour ça que quand la défensive amène un 8e joueur dans la boîte, souvent le SS, il y a un joueur défensif qui n’est pas bloqué et que ça complique l’attaque au sol. Dans un « read-option », cependant, on ne bloque pas un des joueurs de ligne défensive, préférablement le dernier au bout de la ligne. Le QB va lire ce qu’il fait et choisir où ira le ballon, d’où le terme « read-option ». Dans mon exemple, le joueur sur lequel on fait la lecture est le DE à droite de la défensive donc à gauche de l’attaque. S’il reste avec le QB, le RB part avec le ballon vers la droite, avec ses 7 bloqueurs, contre lequel il n’y a que 6 joueurs défensifs (ou, au pire, 7, si un 8e joueur défensif est dans la boîte). Si le joueur qu’on optionne suit le RB, alors le QB a le champ libre pour courir à sa gauche, et pourra courir jusqu’au demi de sûreté, un gain minimum de 7-8 verges si on a un QB qui a le minimum de vitesse. Et une des beautés insoupçonnées de cette stratégie, c’est que le joueur en question n’a pas vraiment d’être bloqué par personne pour être rendu inefficace. Donc on peut « optionner » un excellent joueur comme JPP ou Clay Matthews au lieu de devoir le bloquer à deux joueurs. Ça neutralise un talent pas à peu près!
La réaction de la défense initiale est de rentrer un 8e joueur dans la boîte, ramenant l’équilibre plutôt qu’un surnombre en faveur de l’offensive. Mais quand on ajoute un passeur doué dans l’équation, la défensive n’a qu’un seul demi de sûreté pour appuyer les deux CB’s qui font face aux 2 WR’s, un duel qui depuis le changement des réglements dans les années ’70, favorise nettement l’offensive. Et c’est encore plus vrai quand le quart est capable de lancer la longue passe, à la Kaepernick ou RGIII.
Pourquoi ça risque de marcher plus que les autres innovations d’option? La fameuse triple option des Sooners et des Cornhuskers des années ’90 nécessitait que le QB fasse deux lectures, et réussisse sa latérale à la dernière seconde, ce qui demandait énormément de pratique, du temps de pratique qui ne pouvait pas être alloué au complexe jeu aérien nécessaire aujourd’hui dans la NFL. Sans compter que pendant qu’il faisait la latérale, le QB se faisait souvent ramasser solidement, puisqu’il était étiré, le plexus exposé en train de faire une petite passe. Son succès était tributaire de beaucoup de timing aussi, donc un changement de joueur au champ-arrière pouvait tout chambarder. Le read-option ne demande qu’une seule lecture, relativement facile, et pas vraiment de « timing ». Une fois la décision prise, si la remise est faite au RB, le QB est en mesure de se protéger, puisqu’il est penché, les yeux vers l’avant. Donc le temps de pratique et le risque de blessure sont grandement diminués. Enfin, comme la lecture se fait dans le champ arrière, il est possible d’y ajouter toutes sortes de « play-action » où on feinte la remise (et la lecture), et ce par devant, donc en gardant les yeux vers la ligne défensive et la couverture, alors que dans un « play-action » traditionnel, le QB tourne le dos à la défensive quelques instants. Après la feinte, le QB est aussi bien placé pour lancer, en plein cœur de la poche protectrice, que sur une passe normale. Enfin, il y a un autre facteur non négligeable : pour stopper ce genre de jeu, il est essentiel que les joueurs défensifs soient disciplinés dans leur responsabilités, et soient d’habiles plaqueurs. être habile plaqueur, ça implique de le pratiquer « live » de temps en temps. Or, avec la nouvelle convention collective, c’est interdit ou presque de plaquer « live » pendant les pratiques, et de façons générale, les coahces vous diront que le qualité des plaqués est en baisse drastique depuis. Ça aide le read-option.
Comment on arrête ça alors? J’ai lu un décevant article cette semaine sur le site de Sports illustrated, qui avait l’air de dire que de jouer un 3-4 était essentiel et que ça allait régler tous les problèmes. Ça n’a pas aidé les Packers en séries, alors que les Rams et leur 4-3 ont très bien fait contre les Niners et les Seahawks. Par contre, une des constatations c’est que les équipes qui jouent plus de défensive de zone sont plus habilités à stopper le read-option, puisque les joueurs ont le jeu devant eux. On verra aussi surement de nouveaux blitz exotiques pour faire en sorte que la responsabilité de contenir le jeu vers l’intérieur n’est plus celle du DE, mais d’un LB ou d’un S derrière, difficile à lire. Il faut aussi penser que les athlètes qui jouent comme DE ou comme OLB dans un 3-4 sont tellement meilleurs qu’avant et que leurs homologues universitaires, ils peuvent se permettre de « feinter » une réaction pour faire l’autre et être quand même rendus au bon endroit au bon moment pour exécuter leur tâche assignée. Enfin, j’ai parlé plus tôt de l’importance d’être discipliné dans les responsabilités et de garder chacun son trou à défendre (« gap »), on verra peut-être moins de défensives chaotiques comme les Packers le font souvent dans leur « psycho » defense, où c’est clair qu’on a pas assigné un joueur à chaque trou.
Je pense donc que le read-option est là pour rester. Cependant, ce sera limité aux équipes qui peuvent compter sur un quart capable de faire les deux. Ce ne sera toujours qu’on complément à l’attaque au sol existante de l’équipe, et leur quart devra quand même être capable d’exécuter une attaque aérienne de la NFL, de compléter le « square in » à 12 verges avec son bras puissant, avec de la pression en pleine face, ce que Kaepernick, Wilson et RGIII sont capables de faire. On ne verra pas les équipes changer la façon dont ils évaluent un QB, donc ceux qui n’ont pas les outils pour le reste de l’offensive (ex : Pat White) ne seront pas plus repêchés qu’avant, mais on verra peut-être ceux qui sont capables de faire les deux être plus en demande, de sorte que, conceptuellement, un RGIII pourrait dans le futur être plus valorisé qu’un Andrew Luck.
Venons-en à Kelly maintenant, il y a quelque chose qui me chicote vraiment : les gens semblent penser que Kelly est un coach pur et dur de cette stratégie « spread offense – zone read » et que c’est ce qu’il va tenter d’implanter dans la NFL, un peu comme Steve Spurrier qui s’était obstiné à imposer son livre de jeux universitaire dans la NFL. L’autre mythe, c’est que son attaque à Oregon (qui marquait des 60, 70 points régulièrement) était une attaque aérienne redoutable : ils marquaient ces points au sol, mais en réussissant à faire ±20 jeux par matches (±80 alors qu’en moyenne, c’est ±60) de plus que les autres à cause du tempo, et en mettant le ballon dans les mains de joueurs de grande vitesse capables de marquer sur n’importe quel jeu au sol.
Selon ce que je comprends, Kelly est plus un innovateur dans différentes facettes connexes au livre de jeu que dans le livre de jeux lui-même. C’est le grand manitou du « tempo ». C’est un innovateur au niveau de la nutrition des joueurs et de la façon de rouler une pratique pour maximiser le temps alloué sur le terrain avec ses joueurs (qui est contrôlé dans la NCAA pour donner théoriquement du temps aux jeunes pour étudier). Ça a juste adonné que comme il coachait dans la NCAA, il a utilisé l’offensive du jour, et il y a appliqué ses principes clés. C’est aussi quelqu’un qui aime changer les « odds » en sa faveur, par des convertis de deux points et des tentatives sur 4e essai, ce que statistiquement les entraîneurs-chefs de la NFL n’essaient pas assez souvent.
Le « tempo » est dans la NFL depuis les belles années de Boomer Esiason et de Jim Kelly. Ces attaques sans caucus prenaient parfois 15 secondes pour mettre le ballon en jeu, d’autres fois prenaient le plein 45 secondes allouées (ils ont changé le règlement pour 40 secondes depuis). On a vu plus d’utilisation de cette approche, en particulier par les Patriots qui ont fait plus de 70 jeux par matches l’an dernier. Et oui, le principe est aussi bon avec un « spread » qu’avec des formations traditionnelles de la NFL. : personne ne va méprendre Tom Brady pour Pat White ou Marcus Mariotta. L’approche de Kelly est de presque toujours se dépêcher pour être sur la ligne pour être prêt à mettre le ballon en jeu dès que possible, pour mettre de la pression sur la défensive et l’empêcher de substituer. De là, soit qu’ils partent le jeu si la défense n’est pas prête, soit qu’ils feintent la mise en jeu, et forcent la défensive à montrer sa couverture. C’est extrêmement exigeant pour une ligne défensive, surtout si les joueurs y traînent 15-20 lbs de trop, ce qui est souvent le cas. Et, vous aurez compris, ça force un peu les défensives adverses à moins utiliser leurs meilleurs éléments contre le jeu au sol, puisqu’ils sont plus gras. Ce qui facilite l’attaque au sol… mais pour ce faire, ça prends aussi des OL capables de suivre, donc en forme, peut-être un peu plus légers que la moyenne, comme les Broncos des bonnes années. Le pattern est déjà commencé avec le repêchage cette année de Lane Johnson. D’autres suivront.
Je pense donc que Kelly ne présentera pas à la NFL le même système offensif qu’il opérait à Oregon, mais une adaptation « tempo » d’une offensive de la NFL, en conservant son côté parieur prêt à prendre des risques. Il pourra très bien fonctionner sans un quart mobile, à la Nick Foles ou Matt Barkley. Mais il devra s’adapter, entres autres pour éviter que sa défensive soit trop exposée, n’ayant pas le temps de se reposer si l’attaque ne garde le ballon que quelques minutes par série.
Le premier match pré-saison des Eagles a lieu le 9 août, je regarderai ça avec un rare intérêt pour un match présaison.

Pingback: Décompte et prédictions NFL 2013: Les "moyens" | Le Blitz NFL
Pingback: Et puis, est-ce que le read-option a révolutionné la NFL? Est-ce que Chip Kelly a tout changé? | Le Blitz NFL